François Cavanna et moi

Papotarium - François Cavanna - Livres

Saluuut tout le monde!

Eh oui, je suis en vie. Eh non, je n’ai rien branlé de tout le mois. Mais vous voyez, j’ai eu des migraines. Les migraines, c’est chiant, et ça empêche un tout petit peu de se concentrer. Et puis le glandage menant à encore plus de glandage, ajoutez à ça le manque d’inspiration… Bon, bref. J’suis là maintenant.

Aujourd’hui, j’ai décidé de faire un article qui me tenait spécialement à cœur. Le 29 Janvier dernier, je me suis rappelé que ça faisait trois ans, déjà, que François Cavanna n’était plus de ce monde. Ça faisait un certain temps que je voulais vous parler de lui, alors je me suis dit, c’est l’occasion. Laissez-moi donc vous faire découvrir (ou redécouvrir) ce Monsieur, notamment à travers son œuvre littéraire.

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Storytime!

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Je sais pas si ça vous arrive aussi de repenser à des anecdotes de votre vie, et de vous dire merde, c’est le destin. J’y crois pas vraiment, au destin, en plus. Mais voilà, il existe des coïncidences qui arrivent à vous faire douter. C’est un peu ce qui s’est passé pour moi avec Cavanna.

Quand j’étais gamine, je lisais tout ce qui me passait sous la main. Un truc que j’adorais particulièrement, c’était mes manuels de Français. Ils étaient tout pleins d’extraits d’œuvres très très variées, alors même ce qu’on n’étudiait pas, je le lisais. C’était magique, pour moi, j’y découvrais des tas de choses. On devait être en 1998, 1999? Je devais être en sixième. Et c’est dans un manuel de Français que je tombe sur Cavanna. Deux minuscules extraits de son récit d’enfance autobiographique, Les Ritals. L’un des deux parlait de sa boulimie littéraire, forcément, ça m’a parlé. Ces deux petits bouts de texte, je les ai lus, relus. Et puis ma vie a suivi son cours.

Arrive le Master (oui, sacré bond dans le temps, je vous le concède). Master de lettres, bien évidemment. On doit pondre un petit dossier sur une œuvre de notre choix, dans le domaine de notre choix. Celui que j’ai choisi, ce fut l’écriture de soi, qui m’a toujours attirée. Et comme je préparais un mémoire sur le même thème (Plus précisément l’écriture de soi dans le blogging! Eh ouais, les blogs et moi, c’est une longue histoire), je restais dans mon thème de prédilection.

Sans idée et complètement paumée, faisant face à l’élitisme de profs pour lesquels Amélie Nothomb n’est pas de la littérature (donc pas moyen de faire de dossier là-dessus au risque de me manger une note de merde, pourquoi ai-je eu l’outrecuidance de penser qu’une fac de lettres était un lieu d’ouverture d’esprit) je demande donc à ma prof référente de m’aiguiller sur un ouvrage à étudier. Elle me suggère Un Vrai Roman, de Philippe Sollers. J’ai essayé. J’ai trouvé ça pompeux, froid et prétentieux comme pas possible. Et je vous jure que je fais un effort pour rester polie. Ben oui, ça fait peut-être plus intello que Nothomb, mais le truc, c’est que j’en ai jamais rien eu à cirer de faire intello.

Et c’est après un nouvel entretien avec cette prof, lui expliquant que non, je n’allais pas causer d’un bouquin qui ne m’inspirait qu’un vague dégoût, qu’elle m’a conseillé Les Ritals. Je l’ai lu, je suis retombée sur ces extraits de quand j’étais môme. Le bouquin entier m’a fait le même effet. J’ai été captivée, je suis passée par toutes les émotions. Ce livre a résonné en moi. J’en ai tiré un petit dossier très scolaire très comme y faut sur la vision de l’enfance dans cette œuvre, et à travers mes recherches, j’en ai appris plus sur l’auteur. Et depuis ce jour, il occupe dans mon cœur une place particulière.

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L’ami François lui-même

François Cavanna Portrait

Pour vous le présenter un peu, François Cavanna, il est né en 1923. C’est dire s’il a pu en voir, des choses. Il a connu la guerre, le STO, pas mal de galères. Avec ses potes, il a fondé Hara-Kiri. Et puis Hara-Kiri a été interdit, trop provocateur. Alors ils ont récidivé, et fondé Charlie Hebdo. En 2014, il s’est éteint, et j’ai été très triste. J’aurais aimé le rencontrer, un jour. Juste histoire de lui dire, je sais pas, des conneries, genre que ses bouquins avaient énormément compté pour moi, des niaiseries, quoi; mais des niaiseries sincères.

Je suis pas là pour vous en faire une biographie détaillée, j’ai toujours une flemme immense lorsqu’il s’agit de digérer et de recracher une ragougnasse d’infos qu’on peut trouver très facilement ailleurs. Certainement parce que je l’ai trop fait à l’école, et que j’ai jamais compris l’intérêt: reformuler avec des mots maladroits une chronologie foireuse pour un prof qui connaît déjà, merci bien. Et puis il n’y a pas pire façon de parler de quelqu’un que de ressortir des dates-clés de façon froide et méthodique. Ça n’apprend rien du tout.

D’ailleurs, ce serait d’autant plus con que sa vie, il en cause lui-même. Très bien, en plus.

Jusqu’à présent, j’ai surtout lu ses récits autobiographiques. Les Ritals, ça a été le premier. Il y saisit l’essence même de l’enfance, les peurs, les rêves, les croyances et autres petits plaisirs qui la peuplent; avec justesse et spontanéité. Il y a eu les autres ensuite (sans déconner). J’ai été complètement bouleversée par Bête et Méchant. Pas un des plus connus, mais un des plus poignants et surtout des plus intéressants pour ceux qui veulent en savoir un peu plus sur les débuts de sa carrière journalistique. Bon, on se rappelle évidemment tous de ce qui s’est passé à Charlie Hebdo, ça a amené pas mal de gens à s’intéresser à ce journal, du coup je me dis que pour tous ceux-là, l’œuvre de Cavanna fournira un témoignage de choix sur la naissance de cet hebdomadaire satirique.

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Le style Cavanna

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Bon, jusque là, vous vous dites certainement d’accord, mais en quoi est-il différent d’un autre autobiographe? Parce que là, en effet, ce que je vous raconte, ça doit vous paraître assez classique, assez banal.

Petite question. Est-ce qu’il vous est déjà arrivé d’avoir dans votre entourage, ou parmi des personnalités, youtubeurs, que sais-je encore; des gens dont vous vous êtes dit quelque chose genre « Il/elle pourrait me parler de n’importe quoi pendant des heures, que j’aurais du plaisir à l’écouter »? Ces gens qui ont une sorte de don pour raconter, qui arrivent à rendre n’importe quoi intéressant? Qui s’expriment d’une manière telle que vous pourriez les écouter réciter l’annuaire sans vous faire chier?

Eh bien Cavanna, c’est un peu ça. Sauf qu’en plus, ce qu’il raconte, c’est intéressant. L’autobiographie, je trouve ça chiant dans 90% des cas. Et prétentieux. Eh bien là, non. Ce qui rend les livres de François Cavanna inimitables, c’est son style. Un style totalement décomplexé, débarrassé de toutes fioritures inutiles, qui ne s’embarrasse pas de savoir s’il sonne littéraire ou pas. Franc, direct, s’en tamponnant royalement l’arrière-train de respecter les conventions. Comme l’homme lui-même, du reste. Cavanna, il écrit comme il parle. Il écrit comme il est. Un peu comme ce que je fais moi, sauf que moi, c’est moins bien. Je pense d’ailleurs qu’il a pas mal influencé mon style d’écriture, si tant est que j’en aie un, hein, bien sûr; mais vous voyez. Il va vous balancer de l’interjection, des accents, des phrases pas finies, des jurons… Et pas uniquement lorsqu’il s’agit de retranscrire un dialogue, non, tout le temps. C’est comme s’il était en face de vous, et qu’il vous racontait l’histoire, à vous. Quand on finit un de ses livres, on a l’impression d’avoir partagé un moment avec lui. C’est une expérience pour moi inégalée.

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Le mot de la fin

Honnêtement, je le sais, cet article est un peu bizarre. C’est ce que vous devez penser. Parce que ce n’est ni une chronique de livre, ni vraiment une présentation détaillée de l’auteur, ni de sa bibliographie… Comme je l’ai dit, l’intérêt pour moi de faire une présentation encyclopédique est très faible, sachant que ce genre d’informations est accessible facilement sur Wikipédia. Ce que j’ai voulu faire, c’est simplement parler de cet auteur, qui semble être tombé à tort en désuétude, de dire combien je trouve ça con qu’il ne soit pas plus lu, tant son style est incomparable, atypique et agréable. De lui rendre un (très très humble) hommage à ma manière. Et surtout, de vous donner envie de le lire. Si c’est le cas, n’hésitez pas. En attendant, je vous laisse avec un petit morceau du fameux extrait qui m’a fait découvrir Cavanna, toute jeune, ne sachant pas encore à quel point j’allais être marquée par ses écrits.

Tous les jeudis matin, jour sans classe, j’allais avec un cabas à la bibliothèque municipale…
On avait droit à deux livres à emporter par personne inscrite, alors j’avais inscrit papa et maman, ça me faisait, comptez avec moi, six bouquins à dévorer par semaine.
On choisissait sur catalogue, mais les titres qui vous faisaient envie étaient toujours en main, il fallait faire une liste par ordre de préférence, la barbe, j’aimais mieux fouiner dans les rayons et me laisser séduire par la bizarrerie d’un titre ou les effilochures d’une très vieille reliure.

François Cavanna, Les Ritals

A la prochaine, Bien Cordialement, BISOUS. ❤

10 réflexions sur « François Cavanna et moi »

  1. Et bien c’est un fort joli hommage, ton article est très chouette, pas besoin de dates ou de chronique, on sent bien tes intentions et c’est assez touchant 🙂 Tu m’as donné envie de m’intéresser à son oeuvre (d’ailleurs je le connaissais pas du tout ce monsieur)
    Kin

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    1. haha, je sais qu’il est assez peu connu à présent, c’est bien dommage, du coup ça me fait plaisir si je donne envie de le lire car c’est bien là la vocation de mon article 🙂

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    1. C’est toujours bien de découvrir un auteur, surtout quand ce n’est pas la même chose que tout le monde lit au même moment! N’hésite pas, c’est une lecture qui change vraiment de ce qu’on peut trouver ailleurs 🙂

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  2. Je découvre François Cavanna grâce à ton article, et je dois dire que ton hommage donne très envie de le lire. J’aime beaucoup la petite citation de fin, une combine bien connue des rats de bibliothèque ! L’extrait est trop court pour faire un vrai parallèle, mais entre ce que tu décris et ce passage, on dirait que son style a quelque chose de Bukowski. J’ouvrirai l’oeil lors de mon prochain tour en librairie !

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  3. Bravo, Émilie, pour ton formidable, très savant, mais aussi très vivant et chalereux, article sur Cavanna.
    Maintenat, j’aurais une petite question. Peut-être, es-tu la seule personne au monde qui pourrait y répondre. Voilà:
    Sais-tu quel volume de la Collection Que Sais-Je Cavanna conseillait-il, dans un de ses articles-éditoriaux de Charlie-Hebdo, probablement début des 80s, sur comment se servir de son cerveau, comment bien penser?
    Le titre devrait être quelque chose dans ces termes-là.
    À l’époque, je me suis dit, j’achète ce bouquin dès que je suis de retour en France. Et puis, j’ai oublié le titre. Et plus jamais retrouvé l’article lui-même. Nulle part.

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